تفصيل

  • الصفحات : 332 صفحة،
  • سنة الطباعة : 2025،
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1.1. L’industrialisation et ses objectifs dans les PVD: Contexte historique

Au cours des années 1960, beaucoup de pays du Tiers Monde ont gagné leur indépendance politique, ce fut la décennie de la décolonisation pour ainsi dire. L’indépendance politique pour les nouveaux Etats devait être suivie par l’élaboration d’une politique économique à même de les faire sortir du sous-développement. Le but déclaré était de trouver un «raccourci» pour parvenir à un développement économique rapide. Le contexte historique d’alors, politique et économique, était caractérisé par deux blocs dominants, l’un capitaliste et l’autre socialiste. Historiquement le premier fut initié par l’Angleterre et sa révolution industrielle qui fut suivie par d’autres pays européens, l’Amérique du Nord et le Japon. Le second, caractérisé par les industries lourdes, fut initié par l’ex-URSS et imposé aux pays d’Europe de l’est. Un troisième modèle marqua également l’histoire fut le modèle chinois, basé sur l’agriculture, fut inspiré par le défunt Président Mao Tsé-Toung qui avait une certaine importance, mais son impact en dehors de la Chine était plutôt limitée, sa mise en œuvre la plus proche en Afrique fut peut-être en Tanzanie sous Nyerere. Le facteur déterminant d’opter pour l’un ou l’autre modèle entre les mains des hommes politiques dont la préférence avait été formée au cours de la lutte de libération fut dans les deux cas l’option d’industrialisation.

Le modèle chinois reflète les lignes directrices élaborées par Mao Tsé Toung qui avait insisté sur le développement de l’agriculture aux côtés de l’industrie afin que les zones rurales puissent bénéficier des progrès économiques dans d’autres branches. Il a critiqué l’accent mis pour construire de grands conglomérats industriels autour des zones urbaines et en négligeant la campagne. Les politiciens du Tiers-Monde ont, généralement, opté pour une industrialisation comme la meilleure solution pour un développement économique, et en particulier avec la mise en place des industries de biens d’équipement. White (1984) a relevé que le type soviétique d’industrialisation avait servi de modèle à la stratégie de développement suivie par les régimes socialistes (Blanc 1984:105). Colman et Nixson ont ajouté à cet argument que l’option pour les grandes industries à grande échelle a été assimilée à une industrialisation rapide, elle-même assimilée au développement économique (Colman & Nixson 1988:267). Les changements économiques identifiés à travers l’histoire par différents pays ayant suivi l’une ou l’autre voie de développement – capitaliste ou socialiste- ont fait l’objet d’études importantes telles que celles faites par Rostow (1960), Kuznets (1957), Chenery (1960), Sutcliffe (1971) qui ont analysé avec leur propre méthode pour distinguer les étapes de la croissance économique au niveau international. Le but était de faire une typologie des modèles de croissance de l’étude des principales branches économiques d’un grand nombre de pays, mais chaque méthode a conduit à de nombreuses critiques pour des raisons différentes.

La classification de Rostow comprend cinq étapes qui commencent par une société traditionnelle, puis un passage à une transition vers le décollage, puis au décollage réel suivi d’une étape de maturation, et se termine finalement en atteignant le stade de la consommation de masse (Rostow 1960). L’étude de Gerschenkron (1960) a été fondée sur des critères tels que le degré de processus d’industrialisation durable et autonome, la production de biens d’équipement ou des biens de consommation, l’amélioration ou la détérioration du secteur agricole, et le niveau des prix en général.

La classification de Kuznets a souligné le fait qu’il y avait un lien entre le revenu national et la contribution de l’agriculture, c’est-à-dire que le revenu par habitant a permis une augmentation de la contribution du secteur agricole dans le revenu national. L’implication est que l’industrie était le moteur de la croissance et elle a été suivie par la contribution du secteur des services (Kuznets 1965). La méthode de Chenery était proche à cet égard de celle de Kuznets, elle était basée sur la spécialisation de la production et la structure des échanges, et ses conclusions empiriques ont montré que plus le revenu par habitant est élevé et plus il y a une croissance économique et une spécialisation industrielle. Compte tenu du contexte historique au cours duquel Chenery a entrepris son analyse entre 1950 et 1970 l’Algérie a été classée dans la première catégorie, qui est l’industrialisation primaire. Sa typologie comportait trois étapes supplémentaires qui sont successivement substitution aux importations, développement équilibré et spécialisation de l’industrie (Chenerey 1975). Une autre version proche de cette classification a été faite par Sutcliffe qui avait choisi trois variables et leur contribution respective dans le PIB total, dans la structure de la production industrielle, et la proportion de la population active employée dans l’industrie. Concrètement, il avait fixé ces contributions en ces termes: un minimum de 25% du PIB devrait provenir de l’industrie, au moins 60% de la production industrielle devrait être des produits manufacturés, et au moins 10% de la population devrait être employée dans l’industrie (Sutcliffe 1971).

Une étude plus récente par Gwynne (1990) a montré une classification en fonction de la source de croissance du secteur manufacturier, celui-ci est identifié soit par l’activité à l’exportation ou le montant de l’investissement en capital. Son classement comprenait quatre étapes, la première croissance de la fabrication a été principalement influencée par le marché intérieur comme en Inde ou au Pakistan, par exemple, le second dépendait entièrement des exportations comme en Corée, à Hong Kong et Singapour, la troisième celle sur laquelle repose l’excédent d’exportation qui vient des exportations de pétrole comme en Algérie et au Nigeria, et enfin les derniers pays concernés qui ne peuvent pas atteindre ou avoir les conditions ci-dessus, qui est un petit marché local, à moins de 1% des exportations de produits manufacturés dans le total des exportations et sans ressources pétrolières comme au Panama, en Jordanie ou au Botswana.

Les différentes méthodes examinées ci-dessus ont une conclusion commune qui était le rôle prépondérant du secteur de l’industrie dans la réalisation plus rapide et la croissance économique plus élevée, et ceci quelle que soit la méthode utilisée pour évaluer l’étendue et l’origine de la croissance. Et quand les taux de croissance étaient très différents en importance cela avait été lié à la nature diversifiée des activités industrielles concernées. Étant donné que le Tiers Monde n’avait aucune infrastructure pour développer un secteur industriel autonome et national il comptait sur les pays capitalistes développés pour tirer parti de la technologie de pointe existante. La controverse soulevée portait sur l’adoption de la technologie la plus moderne ou, au contraire, une technologie basée davantage sur la main-d’œuvre qui reflète à la fois le faible niveau de qualification et l’abondance en dotation de facteurs locaux, à savoir la main d’œuvre. Rosenberg (1963) a défendu cette dernière option que Clarkson (1978) a rejetée en faisant valoir que, sans l’adoption des technologies avancées les PVD demeureraient dans un état de retard économique. Rosenberg a critiqué cette option parce qu’il croyait que les industries de biens d’équipement des PVD étaient en fait un frein à un véritable développement économique. Il a ajouté qu’il était plus important d’examiner l’efficacité de ces industries de biens d’équipement que de mesurer seulement la croissance économique.

L’opinion exprimée par Clarkson reflète en quelque sorte la position des politiciens algériens qui ont insisté sur l’importation et l’utilisation de la dernière technologie disponible, et cela a été inclus dans les deux programmes politiques, et dans les contrats signés avec les compagnies multinationales. L’objectif est précisément exprimé par la volonté d’accélérer l’industrialisation. L’impact d’une telle mise en œuvre de la politique a conduit Gerschenkron (1962) de faire valoir, avec des de preuves que les pays développés au cours du 19ème siècle, son argument était fondé sur le fait que les PVD étaient venus tard dans le processus de développement et avaient donc bénéficié de la disponibilité des découvertes scientifiques et technologiques nouvelles. Gwynne (1990) a fait valoir qu’en général, il y avait un lien entre une industrialisation rapide et la croissance économique qui se traduit par une part d’augmentation du secteur manufacturier dans le PIB total. Ce fait a été souligné par Kempf (1989) qui a expliqué que cette croissance rapide n’a pas toujours été traduite par un vaste développement économique. Dans le cas particulier des pays socialistes les taux de croissance élevés ont été, selon Winiecki (1990), un phénomène régulier parce que l’Etat a concentré ses ressources financières sur le secteur de l’industrie, et cette politique a provoqué des distorsions dans d’autres branches économiques. Cette attitude a été vue par Rutland (1985) comme un moyen pour induire un changement structurel, et celui-ci a été utilisé par les politiciens pour piloter l’économie. Comment peut-on maintenant analyser la politique et la stratégie de l’industrialisation en Algérie par rapport aux expériences dans d’autres pays et systèmes comme décrites ci-dessus ?

1.2. Industrialisation en Algérie: Analyse de son contenu, ses objectifs et ses réalisations

L’Algérie constitue un cas qui reflète la plupart des questions mentionnées ci-dessus et qui trouve sa source doctrinale dans le mouvement de libération qui avait insisté sur deux éléments pour servir de ligne directrice de la politique nationale de développement: l’industrialisation et le socialisme. L’industrialisation socialiste a été présentée comme combinant à la fois un développement économique rapide, et, en même temps, une répartition et diffusion des avantages sociaux au peuple, en particulier dans les zones rurales. La stratégie d’industrialisation supposée atteindre les objectifs ci-dessus a été orientée principalement vers la mise en place des industries de biens d’équipement. Cela a reflété historiquement la croissance économique relativement rapide réalisée par l’ancien modèle soviétique mis en œuvre au cours des années 1920-1930. Dans cette optique les ressources disponibles devraient être utilisées en priorité dans les industries lourdes sous le contrôle de l’État. De cette façon, on a supposé que les nouvelles industries «en aval» seront créées pour développer encore davantage le secteur public. Dans le cas où les objectifs déclarés ne seraient pas atteints, il s’agira alors d’identifier l’origine ou les origines des problèmes, et la méthode utilisée expliquera cela dans une analyse détaillée basée sur quelques industries qui sont étroitement associées à l’industrialisation algérienne. Donc il s’agira ici de se pencher sur cette stratégie d’industrialisation que l’Algérie a appliquée et donc  voir concrètement comment l’Etat avait fait pour relever le défi économique et social après l’indépendance.

L’analyse commencera par celle de l’origine de la formulation de la politique économique algérienne qui fut visée et déclarée au sein du mouvement de libération. L’importance de la référence historique de la politique économique algérienne est cruciale parce que les dirigeants politiques successifs ont souvent justifié leur choix comme étant conforme aux programmes politiques promulgués avant l’indépendance qui a été officiellement déclarée en Juillet 1962.

 

Les planificateurs algériens visaient deux grandes lignes : un changement structurel et une substitution aux importations, les deux objectifs ont été assimilés à l’industrialisation. L’analyse est basée sur une méthode qui essaie de déterminer le degré de réalisation par rapport aux objectifs de la politique proclamée et vient rajouter une voie complémentaire aux nombreuses études faites par d’autres auteurs qui ont analysé l’industrialisation algérienne sous différentes théories et approches qui sont résumées ci-dessous.

Des études sur l’industrialisation algérienne ont été nombreuses; elles peuvent être classées en quatre catégories. La première, et de loin la plus fréquente, était proche de l’approche de la dépendance où ces études ont mis l’accent sur le comportement apparent contradictoire de l’idéologie socialiste de l’Etat algérien et le comportement et les motivations des entreprises étrangères capitalistes qui étaient les partenaires dominants de l’Algérie depuis la mise en place du secteur industriel algérien au milieu des années 1960. La principale conclusion des auteurs qui adoptent ce type d’analyse était que la faible performance de l’industrialisation algérienne était due à ces motifs contradictoires, le pouvoir de négociation de l’Algérie étant faible en raison du faible niveau des capacités scientifiques et techniques locales après l’indépendance.

La deuxième approche concerne le rôle de l’État dans l’industrialisation et les résultats obtenus sur le plan social. Ce type d’analyse a fait valoir que la structure de l’Etat a été inhibée par des motifs contradictoires à cause des intérêts de classe, et ils ont conclu que l’Etat était plus préoccupé par le maintien du pouvoir politique que par la réalisation d’un développement économique au profit de la population, en particulier au profit des catégories sociales les plus pauvres. Ces études sont assimilées au concept d’analyse théorique comme étant un ‘capitalisme d’Etat’.

La troisième approche traite l’analyse d’input-output (entrée-sortie). Ce type d’analyse a le mérite de montrer l’étendue des liens en amont et en aval dans l’économie algérienne, ce qui était en soi une contribution importante sachant l’importance d’un tel paramètre pour les planificateurs algériens. Malheureusement ce type d’analyse a deux principales limites à mon avis: (i) il n’y avait qu’une seule table d’input-output faite par le ministère algérien de l’Aménagement en 1973, et (ii), bien que l’analyse d’input-output soit une méthode utile pour identifier les liens, elle ne montre pas la structure des coûts des liens inter et intra-branches en termes d’économie de devises à l’économie nationale.

Et enfin, il y avait des publications sur les entreprises publiques algériennes, mais le contenu met l’accent sur les aspects juridiques de ces entreprises, leur structure et leur organisation. À mon avis, ces types d’analyses expliquent les caractéristiques historiques des entreprises algériennes, mais elles ne permettent pas une analyse détaillée qui reflète la micro-gestion des entreprises d’État dans le plan économique national. À cet égard, mon motif était de contribuer à combler cette lacune grâce à la méthode d’évaluation de projet.

1.3. La méthodologie d’analyse du degré d’industrialisation

La méthode consiste à utiliser l’analyse coûts-avantages en termes financiers et économiques. L’évaluation économique a été basée sur l’approche de Little & Mirrlees qui a été publiée en 1974 pour entreprendre l’évaluation des projets dans les pays en développement. En un mot l’approche implique l’ajustement des prix du marché local par rapport aux prix mondiaux afin de voir le degré de compétitivité de la production nationale en l’absence de restrictions commerciales. L’évaluation du projet a utilisée aussi les méthodes de la protection efficace pour estimer l’ERP (taux effectif de protection) et la RDC (coût des ressources intérieures) qui avait en fait précédé la méthode Little et Mirrlees. La méthode ERP montre l’impact du système d’incitation en faveur des industries locales protégées par des barrières tarifaires ou commerciales. En ce qui concerne la méthode RDC, l’objectif est d’estimer le coût de la protection à l’économie locale en termes d’épargne / recettes en devises. Une telle méthode a été utilisée comme étude appliquée dans quelques entreprises publiques algériennes, il y avait sept études de cas général, et chacun avait tenu une place essentielle dans la stratégie d’industrialisation algérienne.

Le choix de ces industries est lié aux objectifs de la méthodologie choisie appliquée aux industries lourdes et aux industries de transformation. Les critères utilisés pour sélectionner les projets industriels à l’étude reposaient sur leur position clé respective dans la stratégie d’industrialisation algérienne. Le format de l’évaluation du projet concernait l’analyse financière, l’analyse économique à la procédure d’ajustement, et l’impact de la protection efficace et le degré d’efficacité en termes d’économies de devises.

L’approche d’évaluation du projet est souvent critiquée parce qu’elle se concentre sur quelques résultats numériques, ce qui est la raison pour laquelle elle est considérée comme étant incapable de refléter adéquatement une politique de développement. Les opposants à une telle approche soutiennent qu’il y a des paramètres non quantifiables qui sont en fait responsables de la réussite ou de l’échec d’une telle stratégie. A cet égard il est apparu indispensable d’analyser l’impact de la structure institutionnelle et politique sur la performance de l’industrialisation algérienne. Cet aspect reconnait et accepte les limites de la méthode d’évaluation du projet en soulignant le poids de la structure politique en Algérie qui est extrêmement rigide et hiérarchisée. Le régime politique cherche à rester aux commandes des programmes économiques. Il faut donc souligner qu’il y a certainement un conflit des intérêts personnels ou de classe au sein de la structure de prise de décision.

Cependant, la méthode d’analyse par l’évaluation de projet vise à apporter de nouvelles perspectives pour faire face à l’industrialisation en Algérie. Voici comment le but de cette étude est de fournir des données empiriques sur une stratégie d’industrialisation particulière qui peut être utilisée pour comprendre le type de résultats économiques et sociaux obtenus sur trois décennies de développement économique prévu en Algérie. En d’autres termes, l’évaluation d’un projet peut être utilisée comme outil d’analyse des réalisations d’industrialisation déjà existantes, et elle peut aussi faire partie d’une formulation de la politique de développement en y apportant des ajustements simulés avant de les introduire.