تفصيل

  • الصفحات : 219 صفحة،
  • سنة الطباعة : 2025،
  • الغلاف : مقوى،
  • الطباعة : الأولى،
  • لون الطباعة :أسود،
  • الأبعاد : 24*17،
  • ردمك : 978-9931-08-968-1.

INTRODUCTION

Massa Makan Diabaté (1938-1988) a interrogé dans une œuvre de création multiple, de la musique à la littérature et à la tradition orale, la vérité de son pays, le Mali. Au lendemain de sa disparition, l’historienne de la littérature négro-africaine de langue française Lylian Kesteloot relevait dans une formule le bilan d’une vie :

 

Massa Makan, le griot qui écrit le plus beau roman sur les griots, Massa Makan, ou comment parler malinké en un français plein d’élégance, Massa Makan Diabaté, l’œil impitoyable, la langue incisive, la plume corrosive, le talent incontournable[1].

 

L’auteur a assez tôt compris la difficulté de se positionner dans un lieu de parole consacré par l’institution littéraire, celui de l’écrivain moderne. Son originalité, il la trouvera dans ce mélange perceptible du temps décomposé : vigie du passé, Diabaté est le contempteur du présent. Mais comment être dans les deux et transmettre dans l’écriture de l’œuvre littéraire cette dualité inquiétante, notamment lorsqu’il s’agit de la langue française d’usage et de la langue littéraire ? Diabaté a nourri le désir d’une œuvre littéraire, certes écrite dans la langue de l’ancien colonisateur, mais surtout soucieuse de restituer une authenticité africaine et malienne, plus proche encore de la culture malinké à laquelle il appartient. Cette affirmation du local, du singulier, partout présent dans ses œuvres (contes, théâtre, romans), est-elle une dimension de l’universalité qu’envisage éperdument la littérature ?

Cette recherche, qui interroge une expérience d’écrivain entre la tradition et la modernité, s’appuie sur la trilogie de Kouta[2], moment essentiel dans l’œuvre achevée de Massa Makan Diabaté. Le projet littéraire de Diabaté souligne la prégnance d’une situation historique d’inter-culturalité qui marque le passage d’un cheminement culturel de transmission orale et rituelle, celle de l’initiation coutumière des griots, à l’écriture et à sa formalisation dans le champ d’une autre langue, le français, et d’une autre culture scripturaire, celle du roman.

Dans le champ littéraire francophone africain, il y a depuis les indépendances des expérimentations de l’écriture, assez diverses dans leurs motivations, qui marquent la volonté de rupture de plusieurs écrivains d’avec les choix de l’époque coloniale. La nouvelle génération qui émerge dans les années 1970-1980 (Henri Lopez, Sony Labou-Tansi [Congo] ; Yambo Ouologuem [Mali] ; Tierno Monemenbo [Guinée] ; Ahmadou Kourouma, Jean-Marie Adiaffi [Côte d’Ivoire]) récuse, dans le questionnement d’imprévisibles métissages, le purisme linguistique de ses prédécesseurs. Jean-Marc Moura explique ainsi cette situation :

 

Des modes d’écriture sont considérés qui sont d’abord polémiques à l’égard de l’ordre colonial avant de se caractériser par le déplacement, la transgression, le jeu, la déconstruction des codes européens tels qu’ils se sont affirmés dans la culture concernée[3] ».

 

Dans le contexte assez large des littératures africaines francophones en général, et plus singulièrement dans l’exemple malien, Diabaté a inscrit dans son œuvre ce questionnement, formé plus de doute que de certitude, sur la définition de l’objet littéraire. Comme pour Ferdinand Oyono et Mongo Béti au Cameroun, Henri Lopès au Congo, et Ahmadou Kourouma en Côte d’Ivoire, il s’agit pour lui d’initier un rapport original à l’écriture littéraire, corrigeant peu ou prou les effets cumulés d’une écriture française étrangère et les effets, toujours problématiques, de sa présence dans des sociétés balisant, depuis les indépendances, de nouveaux repères, non seulement politiques et économiques, mais aussi culturels.

[1] Éthiopiques, n° 48-49, 1er et 2e semestre 1988, vol. 5, 1-2.

[2] Le Lieutenant de Kouta (1979), Le Coiffeur de Kouta (1980), Le Boucher de Kouta (1982), publiés à Paris dans la collection « Monde noir », chez Hatier. Le topic de ces œuvres est en pages 423-428.

[3] Littératures francophones et théorie postcoloniale, Paris, PUF, 2005, p. 5.